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Le concours Meilleurs ouvriers de France, le CAC 40 de la voie professionnelle

Jean-Luc Chabanne, secrétaire général du COET-MOF* estime que le concours de l’un des Meilleurs ouvriers de France est l’équivalent du CAC 40 de la voie professionnelle. A condition de conserver tout le sens de ce concours et de lutter contre l’individualisme dominant…

De nouveaux métiers pourraient faire leur entrée dans le concours, dont ceux liés aux Travaux publics (canalisations, réseaux et de travaux de la route), selon Jean-Luc Chabanne qui réfléchit également à l’idée de Chantier réel, comme la construction d’une piscine…

Quelle est la finalité de ce concours prestigieux qui a fait couler beaucoup d’encre récemment ?

Jean-Luc Chabanne : Le COET MOF a été créé dans l’idée de créer de véritables ambassadeurs afin de promouvoir les métiers représentés au concours, soit près de 200 métiers aujourd’hui. C’est un peu l’équivalent du CAC 40 de la voie professionnelle. Le concours est un révélateur de talents qui peut permettre à une personne d’exprimer ce que recherche la génération actuelle, à savoir la reconnaissance de son autonomie, de son indépendance, et de la connaissance de son métier. Le processus a tout son sens aujourd’hui, mais il est maltraité par certains qui souhaitent que rien ne change jamais.

Le concours, c’est pourtant bien la valorisation de gestes techniques parfaits dans l’esprit du grand public ?

J.L Chabanne : Il faut parler de culture du métier avant de parler de technique. Quand on reste ancré sur la technique, c’est à dire uniquement les gestes techniques, on a peur de perdre quelque chose, et on se met en résistance contre l’évolution du métier. Or, la technique ne constitue jamais un problème en soi, ce n’est qu’une solution. Il faut regarder l’écosystème qui lui, est mouvant. Il faut conserver l’agilité d’esprit, la souplesse d’adaptation et intégrer tout ce que les révolutions en cours peuvent apporter aux métiers. L’idée de transformation culturelle nous permet d’ailleurs de relier la tradition et la modernité. Et la culture du métier évolue en même temps que la technique. Un métier ne se réduit pas seulement à un geste. Et le COET n’est pas un conservatoire des métiers de l’ancien temps.

Le concours demeure très sélectif avec moins de 10 % candidats reçus MOF par édition…

J.L Chabanne : Sur 3000 Candidats, 250 candidats sont reçus MOF environ lors de chaque édition. Ce qui représente 8 à 10 % des candidats et cette proportion demeure linéaire depuis longtemps. A l’origine du concours, 50 % des candidats devenaient MOF mais aujourd’hui, l’épreuve est devenue hyper sélective. L’erreur du COET a sans doute été de mettre uniquement en avant les lauréats. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé à un changement de logo à l’occasion du 26e concours. Il se concrétise par un col ouvert, qui symbolise le candidat et pas uniquement le lauréat MOF. Par ailleurs, la notion « Un des meilleurs ouvriers de France… » introduit également une forme d’humilité.

L’obtention du titre donne droit à un diplôme reconnu par l’Education nationale, mais en même temps ce n’est pas un examen…

J.L Chabanne : La réussite professionnelle et la réussite académique n’évoluent pas dans les mêmes temps. Après plusieurs années d’expérience dans un métier, le professionnel a un vrai talent et une réelle maturité dans son expérience. Ce n’est donc pas la réussite académique qui devrait primer aujourd’hui, même si c’est le seul modèle que l’on transmet à nos enfants.

Il faudrait que l’écosystème dans lequel nous vivons, montre des ambassadeurs épanouis dans leurs métiers pour faire transpirer une véritable « envie professionnelle » auprès des jeunes. Et cela suffirait parfois à convaincre les parents. Alors, il est important de tenter l’expérience car ce concours demeure le seul lieu pour exprimer son savoir-faire et le faire reconnaître jusqu’à la remise d’un titre diplômant.

Comment a évolué le concours au fil des ans ?

J.L Chabanne : Depuis la création du concours en 1922 jusqu’en 1958 environ, on partait du principe que les candidats avaient du talent et qu’ils allaient réaliser quelque chose d’exceptionnel pour devenir des ambassadeurs. On a fabriqué, en quelque sorte, la Légion d’honneur du travail manuel et tout le monde était mis en avant, dans un cadre festif.

Après les années 60, et le début des années de crise économique, on a seulement mis en avant les lauréats, ce qui est finalement regrettable…
Mais l’important, c’est la représentation nationale grâce à plusieurs individus capables de représenter un métier, soit 9 à 10 par concours dans chaque métier, ce qui n’est peut-être pas assez. Néanmoins, les nouveaux lauréats deviennent porteurs du flambeau, en défendant les valeurs de Liberté, égalité et fraternité et doivent, à ce titre, se mettre au service des autres.

Faut-il redonner du sens à ce concours et dans quel esprit ?

J.L Chabanne : Le principe de base du concours consiste à mettre certaines personnes, les MOF, au service de la collectivité, ce qui est le principe de la représentation nationale : elle s’exprime donc avec le col bleu blanc rouge remis aux lauréats. Cependant, l’individualisme s’est introduit dans le concours.  Aujourd’hui, nous devons redonner du sens à ce concours car l’usage a créé des déviances.

Parmi ces déviances, on peut citer, par exemple, le fait d’apposer sur sa vitrine le logo MOF dans l’espoir de développer son chiffre d’affaires. L’idée sous-jacente étant de décrocher le titre pour développer ses parts de marchés et sa zone de chalandise, un côté pervers que l’on tente de combattre, car on n’est plus du tout dans l’esprit du concours. Une charte de déontologie a donc dû voir le jour et nous l’appliquons en tentant de remettre plus de transparence dans certaines épreuves de métiers.

Le concours a-t-il oublié certains territoires ?

J.L Chabanne : Les trois piliers du concours sont l’égalité des chances, la déontologie et l’équité.  Il est vrai qu’à ce titre, on peut s’étonner qu’il n’y ait pas de MOF ultra marin, en raison d’une culture égocentrée qui s’est créée dans la métropole. Or, il s’agit d’un vrai sujet sur lequel on peut réfléchir, et d’une question de fond par rapport à l’égalité des chances qui doit être respectée dans ce concours. C’est aussi ici que le COET peut jouer un rôle en interpellant les professionnels et l’Etat et voir comment favoriser l’accès à l’excellence dans ces territoires oubliés du concours.

*Comité d’organisation des expositions du Travail et du concours « Un des meilleurs ouvriers de France »

Source : Apiedoeuvre.fr

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