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Des futurs couvreurs en contrat de professionnalisation… pas comme les autres

Victorien, ex gendarme et Manucher, ex réfugié afghan, se forment au métier de couvreur au CFA des Compagnons du Devoir de Champs-sur-Marne (77). Ces contrats de professionnalisation répondent aux besoins des entreprises en manque de main d’oeuvre.

La maison des Compagnons du Devoir de Champs-sur-Marne ouverte depuis 2 ans accueille des jeunes en formation initiale issus de 12 métiers ainsi que des itinérants, engagés sur le Tour de France. Quatrième maison d’Ile-de-France (après Paris, Pantin et Epône), elle accueille par ailleurs un nouveau public issu d’horizons différents, en formation continue.

C’est le cas de Manucher, 27 ans, ex réfugié Afghan, et de Victorien, 29 ans, ex gendarme décidés à décrocher leurs CAP d’ici à la fin juin. Tous deux suivent un parcours en alternance orchestré par l’organisme de Champs-sur-Marne dans le cadre d’un contrat de professionnalisation.

« Plusieurs diplômes peuvent être préparés en formation continue, comme le CAP et/ou la mention zinc, en un an, ainsi que le Brevet professionnel sur 2 ans » explique Stéphane Kut, 50 ans, formateur dans les métiers de la couverture. A noter que la nouvelle Loi pour un Avenir professionnel (votée en 2018) réforme l’apprentissage au 1er janvier 2019 et permet aux jeunes ayant jusqu’à 30 ans de signer un contrat.

 

La nouvelle maison des Compagnons du Devoir à Champs-sur-Marne assure la formation initiale pour les futurs Compagnons et la formation continue pour un public élargi.

POEC couvreur pour former de jeunes réfugiés

Autre dispositif expérimenté par le Centre de formation : la préparation opérationnelle à l’emploi collective, financée par Constructys et Pôle Emploi. La POEC, dispositif de droit commun, est également une étape préparatoire à un contrat de professionnalisation.

Dispensée durant 3 mois, cette action permet à plusieurs demandeurs d’emploi de bénéficier d’une formation afin d’acquérir des compétences pour occuper des emplois identifiés par une branche professionnelle.

C’est ainsi que Manucher (voir ci-dessous) a pu bénéficier, avec 15 autres réfugiés Afghans et soudanais, de ce dispositif expérimental sur le métier de couvreur. Il a été mis en place avec la Mission locale de Paris, en partenariat avec le Medef et les Compagnons du Devoir.

Déjà trois sessions d’insertion professionnelle avec des migrants

La première session du programme a débuté en décembre 2017 et s’est achevée en mars 2018. Manucher et ses collègues réfugiés se sont formés en atelier durant 10 semaines et se sont immergés en entreprise pendant 2 semaines.

« Ils travaillent tous en entreprise désormais et deux d’entre eux poursuivent leur formation en alternance dans le cadre d’un contrat de professionnalisation (CAP en un an), dont Manucher » explique Stéphane Kut qui a mis en place le programme de formation couvreurs destiné aux réfugiés.

A noter que deux autres sessions POEC se sont déroulées chez les Compagnons, la seconde en avril 2018 avec 16 réfugiés afghans, soudanais, érythréens, roumains, laotiens et d’Afrique centrale ; et la troisième en novembre 2018 avec 10 personnes.

4 jeunes couvreurs en contrat de professionnalisation

« Aujourd’hui, nous formons quatre jeunes couvreurs en contrat de professionnalisation sur une année. Deux d’entre eux passent le CAP et les deux autres sont des ex réfugiés issus de la première session POEC. Ils passent un équivalent du CAP correspondant au coefficient 185 » explique Stéphane Kut.

L’une des grandes difficultés pour ces jeunes réfugiés demeure en effet l’apprentissage de la langue française qui ne leur permet pas de valider un CAP classique (avec maîtrise du français à l’oral et surtout à l’écrit). C’est le cas pour Manucher, qui bénéficiera cependant de la reconnaissance de sa formation avec un équivalent hiérarchique (et le salaire), validé par le coefficient 185.

Une chose est certaine : ces jeunes n’ont pas eu de difficulté à trouver une entreprise pour les accueillir. Qu’ils aient bénéficié du dispositif POEC ou non (comme Victorien, ex gendarme), tous ont pu rapidement signer un contrat avec des entreprises de couverture en Ile-de-France en quête de main d’oeuvre.

Stéphane Kut, responsable de la formation couvreurs chez les Compagnons du Devoir à Champs sur Marne, (au centre), entouré de Manucher et de Victorien, en contrat de professionnalisation pour obtenir un CAP en un an.

De fortes ambitions pour le centre de formation en couverture

« C’est l’un des métiers le plus en difficulté en termes de recrutements, alors que la demande, notamment en rénovation de toitures, est très forte » reprend Stéphane Kut qui nourrit de fortes ambitions pour le centre de formation. Il souhaite notamment recruter un 3e formateur et poursuivre les formations avec les réfugiés.

« C’était difficile au début car il fallait convaincre les entreprises de leur faire confiance. Au final, nous avons réussi à amener certains jeunes réfugiés à poursuivre leur formation dans le cadre d’un contrat de professionnalisation » se félicite le formateur. Selon ce dernier, l’engagement et la pugnacité dont ces migrants ont fait preuve ont convaincu leurs employeurs à rééditer l’expérience.

Stéphane Kut souhaite par ailleurs réaliser un véritable centre d’excellence pour les métiers de la couverture grâce à des investissements conséquents. « Le parc machine sera amélioré et notre souhait est de pouvoir travailler sur les maquettes réelles » explique le professionnel.

Aider les entreprises de couverture à savoir se vendre

« Les formations seront doublées avec le recrutement d’un 3e formateur et le niveau d’exigence et de pédagogie sera plus élevé pour une clientèle (Ndlr : les professionnels) qui cherchent à toucher le sommet de la profession » explique Stéphane Kut.

Selon ce dernier, il faut aider les entreprises dans d’autres domaines tels que le management, le marketing, le commercial, … « Il faut aider l’entreprise à savoir se vendre résume-t-il et ainsi, à pouvoir un jour être transmise à un successeur. Une problématique que connaît bien la profession du Bâtiment et que les Compagnons du Devoir prennent aujourd’hui à bras le corps.

Manucher, 27 ans, ex réfugié afghan se forme chez les Compagnons du Devoir

 

Manucher, 27 ans, est arrivé en 2015 en France pour rejoindre une partie de sa famille (son oncle) déjà présente sur le territoire. Titulaire d’un bac général et d’une formation de 1 an en université technologique à Barhjlan (Afghanistan), le jeune homme avait déjà eu l’occasion de travailler dans le Bâtiment : ses oncles sont entrepreneurs au pays.

Arrivé en France sans papiers et sans formation reconnue, le jeune homme a été sélectionné par Pôle Emploi et a bénéficié d’un dispositif d’accompagnement destiné aux jeunes en précarité (Garantie Jeunes).

En lien avec le réseau du Medef et la mission locale, les Compagnons du Devoir lui ont proposé de participer au dispositif de la POEC pendant 3 mois à Champs-sur-Marne. Il a dû faire un stage de 2 semaines pour maîtriser le français, avant de démarrer la formation. « J’ai aussi beaucoup appris la langue française sur Youtube » déclare le jeune homme. A l’issue de sa formation, il a été engagé en CDD par l’entreprise Daniel Robert à Igny (91) depuis un an et demi dans le cadre d’un contrat de professionnalisation afin de décrocher l’équivalent d’un CAP sur un an.

12 semaines de stages au centre de formation à Champs sur Marne

« J’aime ce métier car j’aime travailler dehors. S’il pleut ou s’il neige, on ne travaille pas » ajoute-t-il en riant. Manucher vit dans le 20e arrondissement de Paris dans un foyer, avec des Africains. Pendant son année de formation, il doit faire 12 semaines de stage chez les Compagnons, à raison de 2 semaines en atelier suivies de 6 semaines en entreprise.

Le jeune homme dit aimer travailler en équipe et désire rester dans le métier, et pourquoi pas, créer un jour son entreprise. « Mais mon premier objectif est d’obtenir la nationalité française, ensuite mon propre logement et enfin, de décrocher un CDI » énumère Manucher. Bien sûr, il aimerait également revoir sa famille (ses parents) qui lui manque tant… Mais la crainte des Talibans et de leurs représailles ne lui permet pas encore de concrétiser ce projet à moyen terme…

Victorien, 29 ans, ex gendarme, veut devenir couvreur

 

Victorien a connu un parcours un peu atypique avant d’arriver chez les Compagnons du Devoir. Titulaire d’un bac technologique, il a suivi une année de cours en faculté (Philosophie et psychologie) avant de s’engager chez les gendarmes.

« En dernière année de lycée, j’avais failli tout arrêter car j’avais déjà envie d’apprendre un métier manuel » explique Victorien. Il passera néanmoins quelques années chez les Gendarmes, ce qui lui donnera l’occasion de vivre de « belles expériences ».

Il décide donc de suivre son instinct et de se reconvertir dans les métiers manuels… « Je me suis formé pendant un an dans les métiers de la coiffure au cours d’une année sabbatique. Et puis je me suis réorienté dans les métiers de la couverture » confie-t-il.

« J’avais entendu parler des Compagnons du Devoir, je suis allé me renseigner lors d’une journée Portes Ouvertes à Epône. De là, on m’a donné un dossier à remplir. Et je me suis inscris pour un contrat de professionnalisation dans les métiers de la couverture. Victorien a en effet rapidement trouvé une entreprise intéressée près de chez lui : l’entreprise Leroux à Ennery (95).

Un CAP et un Brevet professionnel couvreur en vue !

L’apprenti ne compte pas en rester là car dès le mois de juin, il changera d’entreprise et poursuivra sa formation. « Après l’obtention de mon CAP, je compte passer mon BP en contrat de professionnalisation et je rejoindrai une entreprise sur Paris, les Toitures parisiennes, gérée par Thomas Lesne, qui compte 6 salariés » précise-t-il.

Ici, le jeune homme compte s’épanouir professionnellement et continuer « à apprendre un maximum grâce au BP ». Un choix professionnel qu’il ne regrette en dépit de la perte de salaire qu’il subit (environ 500 euros de moins par rapport à son salaire chez les gendarmes). « Ma formation et mes diplômes m’aideront à acquérir des connaissances et des compétences, ce qui permettra d’augmenter mon salaire à terme »… conclut-il confiant.

 

Source : Apiedoeuvre.fr / Delphine Legrand

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